L'Envers du monde by Thomas B. Reverdy

L'Envers du monde by Thomas B. Reverdy

Auteur:Thomas B. Reverdy
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Seuil


De nombreux étudiants quittaient New York pendant les congés universitaires, et le sud de Washington Square redevenait pour un mois un quartier paisible, si c’est possible à Manhattan. Simon acceptait de rencontrer les quelques qui restaient, multipliant les occasions d’au revoir, de pots d’adieu, le plus souvent dans des bars de Greenwich, de petites terrasses découpées dans le trottoir et entourées de grilles basses en fer noir, dans des rues plus étroites aux maisons plus petites qu’ailleurs, escaliers et perrons de poupées qui lui rappelaient la Hollande. Parfois, il se donnait là l’occasion de découvrir un quartier en laissant le choix du lieu à ses étudiants. C’est ainsi qu’il atterrit un soir chez Toni.

L’endroit n’était pas trop bruyant en semaine. Dans la salle la musique couvrait la plupart des conversations et obligeait les gens à parler fort, ce qui ne gênait pas beaucoup les Américains, cependant le bar comportait aussi un « jardin », une cour de gravillons où l’on avait disposé six ou huit tables blanches en fer, ornées de parasols plus décoratifs qu’utiles : encaissé dans le carré d’immeubles du voisinage, le patio était toujours à l’ombre et il y faisait plutôt bon, disons que la chaleur y semblait moins insupportable. On pouvait y fumer, aussi, tout en buvant une bière, ce qui devenait rare à New York.

Le patron, un vieil Italo qui avait l’air de vivre à Brooklyn depuis qu’il avait eu l’âge de partir y travailler, commis dans une gargote à pizzas, n’était vraiment sympathique qu’avec les habitués, qui constituaient heureusement la majeure partie de sa clientèle. L’ensemble n’était ni beau ni laid. Ce n’était pas de l’ancien, mais du neuf abîmé. Cela avait tout de même, du coup, un petit air de brocante. La serveuse était rousse.

Elle avait l’air un peu déglinguée, comme le bar, vêtue d’un simple débardeur et d’un jean retroussé jusqu’au-dessous des genoux, c’était Candice bien sûr, mais Simon ne la connaissait pas encore, c’était la première fois qu’il venait.

Il était là avec trois étudiants, l’un d’eux habitait les Park Slopes, chez ses parents. Il aimait bien le genre de relations qu’il pouvait nouer, aux États-Unis, avec ces jeunes gens qu’il ne reverrait sans doute jamais. C’était à la fois détendu et professionnel. On l’appelait par son prénom et, dans les discussions qui s’engageaient, chacun faisait état assez simplement de ses opinions sans chercher à plaire ou à briller. C’était l’opposé de la séduction affectée des Français.

Simon ne connaissait pas la serveuse, mais lorsque ses étudiants le quittèrent, au bout d’un moment, pour aller ensemble au cinéma, il décida de rester et commanda une bière. Rétrospectivement, et bien qu’il n’en eût pas conscience sur l’instant, il n’aurait pas pu jurer qu’elle n’y fut pour rien.

Candice avait dans la démarche, dans le geste, elle avait quelque chose de coulant, de fluide, et en même temps une sorte d’hésitation constante, un très léger déséquilibre, elle avait dans toute sa silhouette un mélange de force et d’esquive, ça se voyait tout de suite, dès qu’elle



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